BELLES-ONDES

Section E3, cadastre napoléonien

Le moulin de Belles-Ondes

  Moulin sur le territoire et au nord de Rolampont, village situé dans les environs de Langres et dépendant du canton de Neuilly-l'Évêque.

Belles-Ondes
Bat as dépens de teut l' monde ;
Sans l'homme nô
Belles Ondes n's'rôt pas à d'sus du Vernô.

Autre version :

Meulin d'Belles-Ondes
Bâti au dépens de teut l'monde,
Et sans l'homme nô
Belles-Ondes n'serôt pas à d'sus du Verno.

  Ce qui signifie : Belles-Ondes, ou Moulin de Belles-Ondes bat ou bail aux dépens de tout le monde ; et sans l'homme noir, Belles-Ondes ne serait pas au-dessus du Vernois. Le Vernois est une petite prairie en haut de laquelle s'élève le moulin en question.

   Ce dicton, que chacun répète encore de nos jours, fait allusion à un incident passé il y a plus d'un siècle. Le 22 novembre 1616, le chapitre de Langres avait repris aux curés de Rolampont leurs domaines qu'ils possédaient de toute ancienneté ; ceux-ci ne purent que se soumettre : les titres prouvant leurs droits avaient été perdus. Mais en 1760, par le plus grand des hasards, ces anciens titres furent retrouvés... entre les mains d'un élève de l'école, qui les avait apportés en classe pour s'exercer à la lecture des écritures. Le curé d'alors, nommé Guillaume, en possession des bien-heureuses archives, s'empressa d'intenter un procès au Chapitre ; l'affaire se dénoua dix ans plus tard par la condamnation définitive du Chapitre qui, en outre de la restitution de tous les biens, dut verser 25.000 livres(1) d'indemnité au curé de Rolampont. Celui-ci, — c'est l'homme noir du dicton — employa cette somme à la construction du moulin de Belles-Ondes.

   Blason Populaire de la Haute-Marne ou recueil raisonné des proverbes, sobriquets et dicton, relatifs à ce département, à ses communes et à ses habitants, extrait de la Revue de Champagne et de Brie, 15e année, 2e série, 1890, p. 435.


  L' histoire de Belles-Ondes
-
(Extraite de Les moulins de Rolampont. Belles-Ondes ;
Claude Charbonnier deuxième propriétaire de Belles-Ondes
& Joseph Boisselier, de Hûmes, propriétaire de Belles-Ondes,
par Joseph Bour, L'Écho du Val-de-Gris, 1968.)

  
Le moulin de la Tuffière

  Le ruisseau de Vaubrien qui coule à Belles-Ondes, prend sa source à la Fontaine du Saut, dans le vallon planté de sapins, propriété de M. Mouchotte. Il reçoit à gauche de son cours les eaux du Loneau, aujourd'hui captées, qui sont les résurgences de la Fontaine Blanche, dans le bois de la Rieppe, à quelques centaines de mètres du Gros Orme, contourné avec tant de respect par la route de Villiers-sur-Suize. Les cascades de la Tuffière, dont la source est au bas du Chatelet, se déversent dans le ruisseau, à droite de son cours, et viennent remplir le bief de Belles-Ondes, paradis des truites.

  D'après les traditions orales, il existait un moulin bien avant la Révolution française, à la Tuffière même, comme il en existait beaucoup sur tous les affluents de la Marne. Ces moulins fournissaient en farine non seulement la population locale, mais aussi les troupes de la place forte de Langres.  Un acte de donation daté de 1809, conservé par M. Lebrun dans ses archives de famille, fait mention du moulin du moulin de la Tuffière, propriété de Pierre Legros, qui le cède à son fils aîné moyennant une rente viagère, équivalent à cent francs. Cet acte fait mention outre le moulin, d'une écurie servant de grange, d'une cuisine, d'un cabinet apte à servir de logement, d'un jardin et d'un verger de 13 ares, etc.

Ndr : le 13 juillet 1817, Pierre Legros, propriétaire et meunier et son épouse Thérèze Gaillard demeurent au moulin de la Tuffiière, commune de Rolampont. Ils ont cédé, le 5-octobre 1809, à leur fils, Didier Legros, le moulin dit de la Tuffière sur le ruisseau de la Tuffière au finage de Rolampont, composé d'un moulin, une cuisine, cabinet de l'autre côté de l'usine, écurie de l'autre côté du ruisseau, servant aussi de grange ; jardin potager et verger d'environ treize ares, non clos, une chenevière de treize ares devant ledit moulin ; une pièce de terre en luzerne d'environ treize ares au midi dudit moulin, une autre pièce de terre labouable de treize ares, tenantes aux chenevières de la Tuffière et de midi à Didier Chevalier, etc. Cf. les actes reçus par Me Battonot et son collègue, notaires à Langres, le 13 juillet 1817 & les notaires impériaux du tribunal civil de l'arrondissement de Langres, le 5 octobre 1809.
 
  Les deux meules couvertes de mousse, et partiellement prises dans le tuf, qu'on voit encore au pied de la cascade, sont les seuls témoins de ce passé.


   L'abbé Guillaume construit un ensemble artisanal à Belles-Ondes

  A cette époque, il y avait un beau moulin à Belles-Ondes, c'était un moulin de bled (blé) faisant farine, pour employer l'expression consacrée dans les actes de vente, afin de distinguer les moulins à pouture et les moulins à farine panifiable.

  Qui avait construit ce moulin ?

  La réponse semble bien contenue dans un curieux dicton, attribué à François Lambert, pâtre à Rolampont, et daté de 1780 : dicton conservé dans les notes prises par l'abbé Girardot, en 1865 :

Belles-Ondes,
Bâti au dépens de teu l'monde
Si c'n'étô l'homme nô,
Il n's'rait pas bâti au d'sus du V'nô.

C'est-à-dire :


Belles-Ondes,
Bâti au dépens de tout le monde,
Si ce n'était pas l'homme noir,
Il ne serait pas bâti au-dessus du Vernois.


  Le Vernois est le lieu dit situé à l'angle de la Nationale 19 avec la route de Villiers, au bas de l'usine actuelle.

  L'homme noir est le curé Guillaume, qui venait de gagner son procès contre les chanoines de Langres, et devenait, de ce fait seigneur de Rolampont. Ce serait le curé Guillaume qui aurait donc bâti un moulin au-dessus du Vernois.

  M. Gustave Desgrès, le doyen de Rolampont, rapporte que dans son jeune âge, le dicton avait encore cours, mais sous une forme différente :

Si c'n'étô l'argent d'l'homme nô,
Belles-Ondes
n's'rait pas bâti au d'sus du V'nô.

  A
insi, M. l'abbé Guillaume ne fut pas seulement celui qui fit embaucher l'architecte Ledoux pour reconstruire l'église paroissiale, en 1766 ; il est à l'origine du choix de Belles-Ondes comme cadre d'un ensemble artisanal important, comme nous allons le voir.

  Ce qui est énigmatique et que le dicton ultérieur laisse tomber, c'est l'expression : bâti à dépend de teu l' monde.

  La construction lésait-elle des droits ? et quels droits ? Mystère.

Ndr : un éclaircissement se trouve sans doute dans ces mots écrits par le curé Claude Guillaume, sur les registres paroissiaux de Rolampont, à la fin de l'année 1771 : (...) le procès contre le chapitre a commencé le 24 janvier 1760 et a finit le 6 fevrier 1770. Cette Compagnie a été condamnée à m'abandonner 1° toutes les dixmes, grosses et menûës, généralement quelconque qui se levent et perçoivent dans toute l'étendûë du finage dud. Rolampont. 2° le terrage de la cure consistant en dix neuf journaux de terre et neuf fauchées de prez. 3° le même arrest condamne les habitans de Rolampont mes paroissiens à me servir en trois jours de corvées suivant les transactions du 11 juin 1550 et du 31 juillet 1618. Condamne ensuitte le chapitre à tous les dépens tant envers moi curé qu'envers les dits habitans et à me restituer tous les revenûs depuis le jour de ma demande qui se sont montés toute deduction faite à la somme de trente cinq mille livres que le chapitre m'a payé.
 
  Le moulin construit avec l'argent du curé, celui-ci en fit don à son neveu, Didier Charbonnier, orphelin de père, l'année même de sa naissance, en 1762. Celui-ci, devenait le premier patron de Belles-Ondes.


  Belles-Ondes s'agrandit

  En 1788, le nouveau patron entreprit d'importants travaux ; il voyait grand.

  Les frères Gallien, de Faverolles, maîtres-maçons, furent embauchés pour construire une grange et dux écuries. Ils devaient arracher la pierre nécessaire endant l'hiver 1788-1789, employer quatre maçons et un porte-mortier. Les travaux devaient être terminés le 15 mai 1789.

  Outre le payement des constructions, Charbonnier s'engageait à donner aux ouvriers deux pintes de vin chaque semaine, soit trois litres. Entre sept ouvriers, il n'y avait pas à craindre une cirrhose du foie.

  En même temps, était embauché Didier Fournier, menuisier de Rolampont. Il devait pour 200 livres, faire la menuiserie du corps de logis, de la chambre à four et de l'usine : portes, croisées, volets, planchers, placards. Le travail devait être fini le 15 avril 1789. Charbonnier fournissait les matériaux nécessaires.

  Ces marchés conlus, Charbonnier s'entendait verbalement avec Jean-Claude Camuset, maître-maçon de Vicq, pour la construction, à Belles-Ondes, de différentes usines ; entre autres, une huilerie à eau ; puis, réflexion faite, ce projet d'huilerie fut abandonné et remplacé par celui d'un foulon à droguet à quatre marteaux avec tout l'assortiment convenable.

  Le droguet était un tissu à la trame de coton ou de fil, servant de support à la laine. C'était une spécialité de la filature de Rolampont, située à la Pargie, qui, au temps des Maitier, assurait la filature de la laine, la fabrication du droguet et sa teinture. Le foulonnage consistait à frapper le tissu avec des marteaux de bois pour feutrer le drap et lui donner u moelleux. Le droguet était d'un usage très varié. On y taillait des pantalons et des vestes d'homme, des jupes de dame inusables. Aujourd'hui encore, les défilés historiques organisés à Champlitte, utilisent des costumes de droguet.

  Le travail de ces constructeurs d'usines devait être terminé, fait et parfait, suivant les règles de l'art à dire d'expert, à la Noël 1790. Les conventions portaient que ledit Camuset devait travailler sans interruption.


   Les Pernot arrivent à Rolampont

  Voyant déjà en rêve, son usine construite pour la Noël, laquelle allait faire, avec le moulin à blé, un bel ensemble, voilà Charbonnier qui conclut un bail avec un certain Michel Pernot, de Saulxures, et avec Anne Lévêque, sa femme : ceux-ci exploiteront le moulin, le foulon et l'huilerie à eau, moyennant 288 livres par an, ou 12 louis d'or. Ils utiliseront la grange et les écuries. Ils cultiveront trois sillons de terre du côté midi touchant le bief, et un autre journal de terre situé en la Voie de Cheminé, proche la carrière de marbre, dont le patron se rserve l'exploitation. Les époux Pernot entretiendront le bief et empêcheront les eaux de s'écouler, en damant la terre avec de la mousse.

  Ce marché fut sans doutefait avant l'échec de la construction de l'huilerie, car au bas du contrat les Pernot tiennent quitte Charbonnier de cette huilerie, attendu que la position du terrain ne permet pas sa construction.

  Disons un mot de ses nouveaux arrivants à Rolampont, dont l'activité au cours d la première moitié du XIXe siècle se révèlera bénéfique pour toute la communauté du village.

  Michel Pernot était né à Ouges, d'Antoine Pernot, vers 1755. Il avait épousé Anne Lévêque de Saulxures, dont il eut trois enfants : Nicolas, l'ancêtre de M. René Pernot ; Louis l'ancêtre de M. Paul Pernot ; Anne qui mourra à l'âge de 17 ans. Louis prendra la succession de son père, comme meunier, et dans les années 1811-1818, construira avec son frère charpentier, le moulin actuel Guillemin-Maupin. Ils construiront également la filature et d'autres ensembles. La population rendra hommage au courageux labeur des fils Pernot, dont Louis, bien qu'étranger à Rolampont, sera très vite au Conseil municipal et maire de Rolampont, en mars 1937.

  Mais n'anticipons pas.

  Dans ce temps-là, les entreprenuers fasaient des promesses :

«Sûrement, ils viendraient à la date fixée ; sûrement le travail serait terminé dans les délais prévus...» On les croyait..., et, sans doute pressés par d'autres clients auxquels ils avaient fait les mêmes promesses, on attendait en vain.

  Ce fut le cas de Charbonnier. Camuset avait commencé les travaux et les avait laissés en panne.


  Charbonnier envoie l'huissier

  Les époux Pernot s'impatientaient : ils avaient loué une usine qui n'existait pas, et ils devaient payer la moitié de la locationn dès le 2 juin de l'année 1791, et le reste au 1er décembre. Charbonnier, en effet, qui ne perdait pas le nord, avait ajouté dans le contrat la clause :  Quand bien même les dites usines ne seraient pas finies, ledit Pernot ne pourra exiger  aucun dommages-intérêts, et promet de payer toujours la même somme.
  Pernot avait signé la clause, se disant sans doute que quand un entrepreneur a promis, c'est du sûr... Aussi avait-il sujet d'être mécontent, et du propriétaire qui avait inclus pareille condition, et de ce Camuset de malheur qui ne tenait pas parole, et de lui-même qui avait signé la clause.

Charbonnier, en colre, envoie l'huissier Pierre Camus, de Langres, à Camuset. On est au 19 janvier 1791. Les travaux devaient être terminés pour la Noël passée, et malgré les prières, les requêtes, les sollicitations qui lui ont été faites, le maître-maçon de Vicq a absolument refusé de continuer les constructions. Mître Camus somme, requiert, interpelle ledit Camuset de se transporter immédiatement, ou au plus tard dans les trois jours, à Rolampont, au lieu dit Belles-Ondes, pour y travailler sans interruption, sans quoi Charbonnier le requérant, se pourvoirait par les voies de droit pour l'y contraindre. 
  La copie de l'exploit de l'huissier porte en bas de page la mention : Dû à l'huissier pour voyage : 5 livres. D'après le livre de compte de Claude Charbonnier, frère de Didier, cinq livres, en cette année 1791, étaient le prix d'une paire de souliers (faits à la main), ou de 18 livres de viande, ou de 12 poulets de ferme.
  Sans doute, Camuset finit-il par se soumettre aux injonctions de l'éloquent huissier.


  Quand un patron en a plus qu'assez

(...)

  Mort de Didier Charbonnier

(...)

  Claude Charbonnier deuxième proriétaire de Belles-Ondes (1792-1802)

(...)


  Joseph Boisselier, de Hûmes, propriétaire de Belles-Ondes

  On était aux plus sombres jours de la Révolution. Ce 26 janvier 1794, le Comité révolutionnaire de Hûmes se réunit pour examiner les dénonciations qui lui étaient faites des citoyens suspectés d'attitudes contre-révolutionnaires. Il y en avait quatre.

  La première concernait Jean-Baptiste Boisselier, meunier à Hûmes. Sur son grenier, l'agent des réquisitions n'avait pas trouvé un seul sac de blé. Le Comité arrête que ledit Boisselier devra expliquer ce qu'et devenu son grain, à qui il l'a livré : Fautte à lui de se conformer au présent arrêté dans deux fois 24 heures, il sera déclaré suspect, et conduit par la force publique dans la maison de réclusion du distrique.

(...)

  Boisselier a donné une explication jugée insuffisante. En conséquence, il lui est interdit de sortir de chez lui, et le lendemain 13 pluviôse, il est mis en état d'arrestation. Il est désormais un suspect sur la première marche de la guilotine. Pour se tirer de ce mauvais pas, le même jour, il s'engage à fournir dans les trois mois, huit émines de grains, soit 32 hectolitres.

  Est-ce le souvenir amer de ces jours qui fit abandonner le moulin de Hûmes par Jean-Baptiste Boisselier ? Il mourra en 1805, à l'âge de 56 ans. Son fils Joseph, marié en 1795 avec Thérèse Robert, de la ferme de Valdonne, élut domicile à Feïlly-Biyot. C'est là que naquit leur petit Joseph, en 1805, qui sera, après son père, propriétaire de Belles-Ondes.

  Sans doute pour faire face à des dettes et à des remboursements d'emprunts contractés par le brasseur d'affaires qu'était Claude Charbonnier, ses héritiers avaient vendu le moulin de Belles-Ondes, et Joseph Boisselier était accouru de Fayl-Billot, pour s'en rendre acquéreur.

Ndr : le 13 juillet 1817, Pierre Legros, propriétaire et meunier et son épouse Thérèze Gaillard demeurent au moulin de la Tuffiière, commune de Rolampont. Ils ont cédé, le 5-octobre 1809, à leur fils, Didier Legros, le moulin dit de la Tuffière sur le ruisseau de la Tuffière au finage de Rolampont, composé d'un moulin, une cuisine, cabinet de l'autre côté de l'usine, écurie de l'autre côté du ruisseau, servant aussi de grange ; jardin potager et verger d'environ treize ares, non clos, une chenevière de treize ares devant ledit moulin ; une pièce de terre en luzerne d'environ treize ares au midi dudit moulin, une autre pièce de terre labouable de treize ares, tenantes aux chenevières de la Tuffière et de midi à Didier Chevalier, etc. Cf. les actes reçus par Me , notaire à Langres
 
-o-o-o-

  En 1835, Belles-Ondes est un moulin à un seul tournant, c'est-à-dire, à un seul jeu de meules. Il ne put lutter avec la concurrence des autres moulins et en 1848, il était démoli. Joseph Boisselier, époux de Marguerite Lavier, le vendit avec la maison, le bief, le jardin à Joseph Sylla Colas, époux de Geneviève, Henriette Carteret ; leur foyer avait étrenné l'année, avec la naissance d'une petite Joséphine, que des Rolampontais, encore vivants aujourd'hui, ont connue sous le nom de tante Fifine, il s'agit de Mme Hector Déchanet.


Ndr : par arrêté préfectoral du 2 septembre 1856, la Compagnie concessionnaire des chemins de fer de l'Est est autorisée à faire chomer le moulin de Belles-Ondes appartenant à M. Hubert Sommelet-Boisselier, meunier à Rolampont, propriétaire exploitant, pour pouvoir assécher les abords du pont construit sur le bief en amont de ce moulin, dans le cadre des travaux de la ligne de chemin de fer Blesmes et Saint-Dizier à Gray.

Ndr : par arrêté du 24 mai 1888, le conseil de préfecture de la Haute-Marne se déclare incompétent pour statuer sur la demande d'indemnité formée par M.-Sommelet, à raison de la diminution de force motrice de son moulin, situé sur le ruisseau de Belles-Ondes, résultant du captage de la source de la Pelotte par la commune de Rolampont. La commune avait acquis de gré à gré les terrains sur lesquels émergeait cette source et en avait détourné le cours pour alimenter ses fontaines publiques et le réservoir de la gare. Le conseil de préfecture a fondé sa décision sur ce que la commune de Rolampont était propriétaire de la source captée et aurait pu agir en cette qualité, conformément à l'article 641 du Code civil.


  Belles-Ondes devient une tuilerie

  C'est sans doute à l'initiative de Joseph Colas-Carteret, que Belles-Ondes reprit vie en devenant une tuilerie.

  Celle-ci est en pleine exploitation, en 1855. En effet, le 15 octobre, le conseil municipal de Rolampont élève une protestation contre le projet de la Compagnie des chemins de fer. Celle-ci projette de supprimer me chemin vicinal de Rolampont à Villiers-sur-Suize, pour faire l'économie d'une barrière. La route de Villiers sera détournée et empruntera le passage à niveau de la route impériale 19. Ironie du sort : c'est ce dernier passage qui aujourd'hui est supprimé grâce à la déviation de la Nationale 19, et l'autre passage est maintenu avec signalisation automatique. La route explique le rapport du Conseil, est d'un usage trop important, tant pour les relations avec les villages voisins, et pour la fabrication de tuiles, chaux et ciments, que pour l'exploitation des bois et des récoltes.

  Malgré le caractère rudimentaire des fours, les produits qui en sont sortis étaient d'une qualité qu'atteindront difficilement les produits fabriqués aujourd'hui. C'est ainsi que la maison de M. Paul Gallissot, celle de M. Cornevin à Chanoy, entre autres, sont encore couvertes des tuiles de Belles-Ondes, et qui tiennent depuis près de cent ans.

  La raison en est que la terre après son extraction, pourrissait à la pluie, au gel, au soleil, pendant tout l'hiver, et n'était utilisée qu'après ce traitement qui en faisait une pâte onctueuse et homogène qu'aucun traitement mécanique par broyage ne peut remplacer.

  La tuilerie passera en 1887 à Victor Bizot, puis en 1893, à Faitout-Michelin.(2) Mais à cette époque, son temps était révolu : le progrès de l'industrialisation l'avait rejetée dans les entreprises non rentables.


En février 1892, un tufier de Rolampont au lieu-dit de la Tuffière près Rolampont découvre une série de vingt-et-un objets gaulois : six grands bracelets, deux bracelets moyens, trois petits, quatre tubes creux munis d'un renflement à l'une des extrémités, quatre groupes d'anneaux, deux grelots.(3)


  Dormoy de Belles-Ondes fonde la tuilerie de Chanoy

  Auguste Dormoy était contremaître à la tuilerie de Belles-Ondes. Vers 1870, il vint habiter Chanoy et conçut le projet d'une industrie de caractère familial. Ayant constaté que la terre de Chanoy convenait à la production de briques à fours de boulanger, il s'installa à flanc de côteau, à mi-chemin sur la gauche de la route qui va à Chanoy à l'auberge des routiers. Ses fours étaient comme ceux de Belles-Ondes, très rudimentaires. Ses enfants allaient au bois faire des fagots de ramasin, c'est-à-dire, de menues branches que les bûcherons laissent sur place. Il fallait cinq à six voitures de ces fagots pour cuire une fournée de briques.

  Dormoy faisait transporter les briques cuites, par Monsus de Beauchemin, là où les boulangers demandaient la réparation ou la construction d'un four. Avec l'un de ses fils, Auguste montait les briques, non au mortier, mais avec de l'argile crue, qui, une fois cuite au feu, faisait bloc avec l'ensemble.

  L'entreprise Dormoy ne pouvait survivre à la disparition des enfants. La fabrique cessa son activité vers 1895.


  Belles-Ondes devient une forge


  En 1906, la tuilerie de Belles-Ondes n'existait plus.

  Déchanet de Dampierre acheta la propriété pour en faire une usine de sécateurs. Il y installa les premiers marteaux-pilons nécessaires pour la fabrication des estampes.

  Il semble que ce fut en raison de la main-d'oeuvre difficile à trouver sur place que Déchanet revendit Belles-Ondes et revint à Dampierre pour y installer son atelier.



  Belles-Ondes se mue en usine électrique

  Traeger, le nouvel acheteur, boucher à Rolampont, avait derrière la tête, un projet hardi. Alors que tous les villages s'éclairaient encore au pétrole (nous sommes en 1912), il songeait à utiliser la chute d'eau de Belles-Ondes pour produire l'électricité nécessaire à l'éclairage de Rolampont.

  Deux turbines actionnées par l'eau furent installées, l'une de 15 cv, l'autre de 5 cv, ainsi qu'une machine à vapeur, chauffée au charbon et destinée à donner un courant d'appoint. Le courant produit était alternatif, de 120 volts.

  Le réseau fut installé, au frais du propriétaire, par la Compagnie générale de Nancy. Ce fut un travail bien fait. L'inauguration de l'usine eut lieu en 1912.

  L'installation dans une maison particulière représentait en coût le prix d'un petit boeuf. Bien que les ampoules fussent de 16 bougies, la chute d'eau ne suffisait pas à l'alimentation et quand le charbon destiné à la chaudière fit défaut, en pleine guerre, la lumière en fit autant.

  Joseph Bondevine, en 1915, habitait Belles-Ondes. Il était chargé de la mise en route des turbines et, le cas échéant, de la chaudière.

  (...)

  En 1921, la Maison Claudel-Traeger, devant la consommation croissante d'électricité, abandonne la fabrication pour acheter le courant à l'Énergie industrielle de Langres, et en fournir à ses clients jusqu'en 1946, date de la nationalisation de l'E. D. F.

  C'est à ce moment qu'Henry de Foulain, originaire des Ardennes  où la guerre l'avait ruiné, acheta Belles-Ondes grâce aux dommages de guerre. L'usine va redevenir forge.
 

  Belles-Ondes aux Archives départementales de la Haute-Marne

 Réglementation du moulin de Belles-Ondes, Archives départementales de la Haute-Marne, cote 7 S 156.

 Travaux de curage du ruisseau des Belles-Ondes, 1924-1936, Archives départementales de la Haute-Marne, cote 1633 W 19.

 C
urage du ruisseau de Belles-Ondes, 1924, 1935-1936, Archives départementales de la Haute-Marne, cote 1722 W 4.

 P
ermis de construire n° 12201 du 18 juillet 1966 pour la réalisation d'ateliers de tournage et décolletage, construction en addition.
  Demandeur : S.A. Forges de Belles-Ondes, Archives départementales de la Haute-Marne, cote 1636 W 60.

 É
largissement du pont sur le ruisseau de Belles-Ondes, maître d'ouvrage : commune de Rolampont, 1970, n° de dossier 174,
  Archives départementales de la Haute-Marne, cote 1644 W 9.

R
èglement judiciaire, société des Forges de Belles-Ondes, 1958, Archives départementales de la Haute-Marne, cote 1008 W 6

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Ndr : - Éléments factuels complémentaires.

(1) - En fait, la restitution des revenus depuis le jour de la demande s'est élevée à la somme de 35.000 livres. Cf. registres paroissiaux de Rolampont, année 1771, in fine.

(2) - Archives commerciales de la France, bi-hebdomadaire, mercredi 18 janvier 1893, p. 78.

(3) - ROYER (Camille), Bulletin de la Société historique et archéologique de Langres, tome III.



© jchr - 21 février 2016. M.A.J : 21/02/2016


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